Trans-sub-stan-tia-tion...
Ça
vous paraît compliqué à prononcer ?
Que
cela ne vous alarme pas, c'est du langage de sophiste, du langage
théologique quoi.
Il
y en a aussi un autre de la même veine : con-sub-stan-tia-tion.
Et
qu'est-ce que cela signifie me direz vous ?
Oh...
pour cela il va falloir remonter assez loin dans le temps, un temps
où ces mots n'existaient pas et où la chose à laquelle ils
correspondent revêtait une toute autre forme.
Nous
sommes dans les années 50 et 60 du premier siècle de notre ère, le
jeune christianisme est en plein essor.
L'apôtre
Paul use dans ses lettres d'un mot grec, « eukharistia »,
pour parler d' « actions de grâce » ou, selon
l'usage dans la langue anglaise, de « thanksgiving »,
c'est à dire dans les deux cas d'actes de remerciement pour les dons
que Dieu nous accorde.
Ils
se caractérisent dans la vie du chrétien par des actions précises
tant dans le quotidien profane que cultuel mais aussi par des prières
et des louanges.
D'ailleurs
le mot « eukharistia » est souvent rendu par
« remerciement » dans les versions de la Bible.
Voilà
pour la petite histoire, mais les coutumes et le sens des mots
changent avec le temps...
Ainsi
les « actions de grâces » vont devenir l’ « action
de grâce , francisé en « eucharistie ».
L'« eucharistie »
va se concentrer sur une chose qui portait jusque-là un tout autre
nom.
Lors
de la Pâque juive précédent sa mort quelques heures plus tard,
Jésus institua une cérémonie de souvenir (lire Matthieu 26:26-30
et Luc 22:14-20).
Cette
cérémonie sera couramment appelée par ses premiers disciples
« repas du Seigneur » (lire par exemple 1 Corinthiens
11:20).
Cette
pratique fait bien partie des différents aspects des « actions
de grâces ».
De
nos jours elle est appelée selon les habitudes propres aux
différentes églises « Sainte Cène », « repas ou
souper du Seigneur », « mémorial », « sacrifice
de la messe » ou, et là nous entrons dans le vif du sujet,
« eucharistie ».
L'église
catholique a choisie de lier de façon absolue le mot « eucharistie »
à la pratique du repas du Seigneur.
Pour
elle il s'agit non seulement d'une cérémonie de souvenir mais
également de la répétition de son sacrifice, le sacrifice réel
étant appelé « sanglant » et celui de la messe « non
sanglant », et d'une communion mystique au cours de laquelle le
fidèle s'associe au Christ de façon métaphysique.
Revenons
en à présent à notre thème de départ.
Pour le catholique que se passe-t-il lorsque, après avoir été consacrés (bénis), le prêtre boit le vin et que le fidèle absorbe l'hostie (petite pièce de pain sans levain) ?
Pour le catholique que se passe-t-il lorsque, après avoir été consacrés (bénis), le prêtre boit le vin et que le fidèle absorbe l'hostie (petite pièce de pain sans levain) ?
Il
y a transsubstantiation.
En
voici les détails techniques : Selon la croyance catholique la
substance du pain et du vin, ou plutôt dirons-nous pour simplifier,
le pain et le vin tels qu'ils existent par eux-mêmes, se
transforment en la vraie chair et le vrai sang du Christ, bien qu'en
apparence ils demeurent de simples aliments.
Cette
transformation commence dès la consécration et demeure temps que le
pain et le vin subsistent en tant que tels.
On
parle alors de « présence réelle », ça fait un peu
cannibale mais c'est ainsi.
C'est
probablement la digestion qui a raison du corps du Christ, à moins
qu'il ne faille attendre que les intestins aient fait leur travail et
aient totalement absorbé ce qu'il y avait de divin dans les
aliments...
Il
s'agit d'une interprétation littérale des mots de Jésus « ceci
est mon corps (…), ceci est mon sang »
et encore « En
vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du
Fils de l’homme, et ne buvez son sang, vous n’avez point la vie
en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie
éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair
est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage »
(Jean 6:53-55 - Crampon).
Dans
l'église catholique point de métaphore, il n'y place que pour la
métaphysique et les mystères !
On parle également de communion "sous une seule espèce" ou "sous les deux espèces", la première étant pratiquée par l'église romaine, l'autre par les églises orientales et celles de traditions luthériennes et hussites.
L'église catholique a adoptée, pour ne pas dire inventée, le système de la communion "sous une seule espèce" pour éviter le risque d’effusion du vin.
Son choix de remplacer le vin rouge par du blanc y est directement lié.
On parle également de communion "sous une seule espèce" ou "sous les deux espèces", la première étant pratiquée par l'église romaine, l'autre par les églises orientales et celles de traditions luthériennes et hussites.
L'église catholique a adoptée, pour ne pas dire inventée, le système de la communion "sous une seule espèce" pour éviter le risque d’effusion du vin.
Son choix de remplacer le vin rouge par du blanc y est directement lié.
Selon
des sources le mot transsubstantiation est apparu au 11ème siècle
sous la plume d'Hildebert de Tours et sera repris en 1215 lors du
4ème concile du Latran lorsque le dogme sera officialisé.
On
est bien loin du simple « eukharistia » de l'apôtre
Paul...
Puis
arrive le 16ème siècle et la Réforme, bref bien des déboires pour
l'église catholique.
Déjà
un peu avant d'autres gens très bien s'étaient inquiété de savoir
comment les choses se passaient à l'intérieur des aliments, tels
les moines franciscains Guillaume d'Ockham et John Duns Scot.
Ils
furent les défenseurs d'une doctrine en opposition avec la
transsubstantiation, la fameuse consubstantiation, bien que cette
dernière ne soit pas si différente de la première, pour preuve il
ne furent pas condamnés comme hérétiques.
La
consubstantiation restera lettre morte dans l'église catholique mais
elle ne sera pas perdue pour tout le monde puisqu'en 1520 l'ex moine
augustin Martin Luther la récupérera et en fera la doctrine
eucharistique officielle de son église.
Parce
que le petit père Luther ne savait que faire de la messe il fit ce
que l'on fait avec un vieux meuble dont on s'est lassé mais que l'on
aime trop pour le jeter, on lui donne un bon coup de peinture et le
tour est joué.
Mais
la consubstantiation c'est quoi ?
Et
bien c'est en gros la même chose que la transsubstantiation à ce
détail près que pour ses défenseurs les aliments ne sont pas
transformés mais conservent leur substances propres, c'est à dire
qu'ils demeurent réellement du pain et du vin auxquels s'associent
la chair et le sang du Christ.
Il
n'y a donc pas transformation mais association (en latin
consubstantiation est formé de « con » signifiant
« avec » et de « substentia », n'y voyez rien
d'inconvenant, la substance en question n'est jamais stupide).
Que
le fidèle catholique ne s'en inquiète pas, la communion mystique
aura bien lieu également dans le ventre du luthérien !
Pour
l'anglican c'est un peu plus compliqué car son église ne l'oblige à
croire ni plus en l'une qu'en l'autre des deux doctrines.
Mais
qu'en pensaient les deux autres pères du protestantisme Jean Calvin
et Ulrich Zwingli ?
Calvin
ne crache pas sur la présence du Christ durant la Cène mais il ne
retient pas la communion mystique selon les termes de la présence
réelle.
Il
s'agit pour le réformateur de Genève d'une présence spirituelle
qui nourrit l'âme du fidèle tandis qu'il absorbe les aliments.
Quand
à Zwingli il rejette en bloc tout rapport de communion et ne retient
que la cérémonie du souvenir selon cette parole de Jésus :
« Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en
mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les
fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous
annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne »
(Luc 22:19 et 1 Corinthiens 11:25, 26 - Segond).
Zwingli
s'accorde avec Calvin quand à la présence spirituelle du Christ
durant la Cène mais limite cette présence à la sphère de
l'assemblée des fidèles, il ne s'agit pas d'une présence
distribuée individuellement, selon ces autres paroles de Jésus :
«
Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au
milieu d’eux »
(Matthieu 18:20 - Segond).
Pour
ces deux acteurs de la Réforme faire de ces simples aliments une
présence physique de Dieu serait blasphématoire et s'agenouiller
devant reviendrait
à pratiquer une forme d’idolâtrie.
La
question de la « présence » du Christ dans les aliments
ne serait-elle pas plus simple à résoudre en tenant compte du
langage avec lequel Jésus s'adresse en général ?
Partout
dans les quatre récits évangéliques il s'adresse en termes figurés
et l'église catholique autant que la luthérienne retiennent un
grand nombre de ses paroles comme telles.
Alors
pourquoi s'embarrasser de dogmes aussi complexes qu'inexplicables que
sont la transsubstantiation et la consubstantiation ?
D'autant
qu'il convient certainement de tenir compte d'un autre aspect de la
doctrine chrétienne.
L'apôtre
Paul traita de la question de savoir comment les créatures
terrestres, donc physiques, que sont les humains pouvaient exister
après leur mort dans le ciel auprès de Dieu.
On
lit ce qui suit : « Ce
que j’affirme, frères, c’est que ni la chair ni le sang ne
peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n’héritera
pas l’incorruptibilité. »
(1 Corinthiens 15:50 - Crampon).
C'est
donc un premier point, que chair et sang ne peuvent exister hors de
la sphère terrestre et de là il n'y a aucune raison logique de
penser que ceux-ci soient recréé à chaque sacrifice de la messe ou
que le véritable corps de Jésus soit demeuré intacte après sa
mort et ait subsisté dans les cieux.
D'ailleurs,
pour aborder la question du sacrifice perpétuel (non sanglant)
durant la messe, notons ce texte qui le terrasse : « Et
ce n’est pas pour s’offrir lui-même plusieurs fois,
comme le grand prêtre entre chaque année dans le sanctuaire avec
un sang qui n’est pas le sien : autrement il aurait dû souffrir
plusieurs fois depuis la fondation du monde; mais
il s’est montré une seule fois,
dans les derniers âges, pour abolir le péché par son sacrifice.
Et comme il est arrêté que les hommes meurent une seule fois, après
quoi vient le jugement, ainsi le Christ, après
s’être offert une seule fois pour ôter les péchés de la
multitude,
apparaîtra une seconde fois, sans péché, pour donner le salut à
ceux qui l’attendent ».
(Hébreux 9:25-28 - Crampon)
Mais
il y a plus...
Selon
les évangiles, tout laisse à penser qu'après sa résurrection
Jésus n'avait plus son corps d'origine.
Tout
d'abord Marie Madeleine ne le reconnaît pas : « Ayant
dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout; et elle ne
savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit: "Femme,
pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous?" Elle, pensant que
c’était le jardinier, lui dit: "Seigneur, si c’est vous qui
l’avez emporté, dites-moi où vous l’avez mis, et j’irai le
prendre". »
(Jean 20:14, 15 - Crampon).
Puis
on lit que ses propres disciples non plus : «
Tandis qu’ils causaient et discutaient, Jésus lui-même, s’étant
approché, se mit à faire route avec eux; mais leurs yeux étaient
empêchés de le reconnaître ».
(Luc 24:15, 16 - Crampon), « Le
matin venu, Jésus se trouva sur le rivage; mais les disciples ne
savaient pas que c’était Jésus » (Jean
21:4 - Crampon).
Enfin
il se montre tel un spectre, comme si lors de ses apparitions son
corps n'était en fait qu'une matérialisation temporaire :
« Or,
quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, dit la
bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux
s’ouvrirent, et ils le reconnurent; et il disparut de leur vue »
(Luc
24:30, 31 - Crampon), « Le
soir de ce même jour, le premier de la semaine, les portes du lieu
où se trouvaient les disciples étant fermées, parce qu’ils
craignaient les Juifs, Jésus vint, et se présentant au milieu
d’eux, il leur dit: "Paix avec vous ! »
(Jean 20:19 - Crampon).
Je
vous laisse juge de tout ceci.
Pour
ma part je rejoins volontiers le point de vue de Zwingli qui colle à
mon sens le plus au modèle biblique sur la bonne façon de célébrer
le repas du Seigneur.
Raisonnement logique et cohérent! "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?" est une phrase qui s'applique à tous ceux qui préfèrent la philosophie que la vérité simple de la Bible. Les religions traditionnelles chrétiennes (descendantes de la religion catholique) se sont écartées de l'enseignement du christianisme primitif. Dès lors, pour justifier leurs enseignements, elles s'engoufrent dans des explications ténébreuses. La volonté de revenir à l'enseignement du Christ n'a malheureusement pas été jusqu'au bout lors des différentes tentatives de réforme. Il a fallut attendre le "temps de la fin" pour que les vrais disciples puissent être rassemblés par les anges.
RépondreSupprimerAu plaisir de te lire.
Merci pour ton commentaire.
RépondreSupprimerJe voulais souligner que je ne parle pas, à tort, de la "communion sous les deux espèces".
Du coup le jeu de mot présent dans mon titre (espèce de présence) ne marche pas !
Il faudrait que j'ajoute une ligne...
Et bien je partage ton analyse , Fabien, moi aussi je suis dans l'école de Zwingli sur ce sujet
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